Moi, mon truc c'est le pinard !
Je ne dirais pas comme Obélix, que je suis tombée dedans quand j'étais petite, mais pas loin...
Il existe plusieurs types de famille, celles avec et celles sans. Nous c'était avec. Du vin sur la table, à chaque repas. De là à croire que je suis une ivrogne, je vous arrête de suite. Je n'ai jamais bu sans apprécier. Mais j'ai été initiée. Mes parents avaient des goûts très prononcés pour le très bon vin. Surtout pour le bordeaux. Mon père adorait ouvrir des une très bonne bouteille lorsque l'on recevait. Et chez nous, on invitait souvent. Il faut dire que lorsque j'avais 13 ou 14 ans, c'était encore l'époque de l'économie euphorique et mes parents ayant chacun une situation professionnelle confortable, il y avait souvent du monde à la maison. Et qui dit monde, dit bonne cuisine et bonnes bouteilles.
Ma mère était donc un parfait cordon bleue et mon père un magnifique caviste. Sauf que la cave n'était jamais remplie bien longtemps. Petite, j'ai toujours été attirée par les étiquettes sur les bouteilles. Puis, en grandissant, par la couleur du vin dans les verres. Ajoutez à cela, un goût prononcé pour la géographie et vous pourrez facilement imaginer que le vin et moi étions faits pour nous entendre.
J'ai donc appris à découvrir les divers bouquets au fur et à mesure et à aimer les différentes appellations. Le Médoc avec ses Saint Estèphe, Pauillac, Saint Julien ou Margaux et son...Médoc; les Graves avec ses Sauternes, Graves, Pessac Leognan, Premières Côtes de Bordeaux; les Côtes avec ses Saint-Emilion, Pomerol, Fronsac puis l'Entre Deux Mers ... Bref, si vous voulez situer vos goûts, c'est ici :
J'aurais pu rester une fidèle de fidèle aux grands crûs bordelais. Par chance, à l'aube de mes 17 ans, ma meilleure amie, a été contrainte de suivre suivi ses parents qui furent mutés en Bourgogne, plus exactement à Pouilly en Auxois. Elle ne l'a pas très bien vécu à l'époque et pour cause, elle quittait la capitale pour se retrouver dans un bled, à 7 kms de Pouilly, où l'on comptait plus de bovins que d'êtres humains. Cela a-t-il eu une incidence sur le reste ? Ses parents étaient un peu comme les miens, ils appréciaient les bonnes choses. Comme je me rendais régulièrement chez eux, et qu'ils s'étaient constitués une cave, j'ai découvert le vignoble bourguignon et j'ai aimé. Cela a l'air sans doute ridicule, mais ce n'était pas évident. L'odeur, la texture, la couleur, la matière, tout divergeait. Alors j'ai appris, petit à petit, à découvrir les Gevrey Chambertin, Nuits St Georges, Vosne Romanee, Pommard puis un peu plus bas les Chirouble, Juliénas, Saint Amour, Brouilly ou Morgon.
Bien sûr cela ne s'est pas fait en un jour et non sans mal. Mes premières visites dans les caves, ont bien failli me coûter cher. Je ne savais pas qu'il fallait recracher après chaque dégustation. Vous avez déjà testé, vous, la visite des caves en plein été, lorsqu'il fait bien frais à l'intérieur et super chaud à l'extérieur ? Je vous le déconseille, sauf si vous n'avalez pas le précieux nectar. Oui mais, si le vin est délicieux, on n'a pas forcément envie. Un ami, un jour, devant mon désarroi, m'a entraîné à le suivre en cours d'oenologie. J'ai donc appris à observer le vin, à l'agiter, puis à le renifler, à donner mes impressions à haute voix avant d'apposer mes lèvres sur le verre pour en absorber juste la quantité nécessaire. Puis à le faire tourner dans ma bouche pour m'en imprégner. Une véritable révélation.
Alors, à ceux qui m'ont posé la question, pas envie de faire un choix entre l'un ou l'autre. Suis-je plus Bordeaux ou Bourgogne ? L'histoire, elle, donne un avantage au second. Ce sont en effet les moines bénédictins de Citeaux qui ont exploré les sols et ont trouvé ceux qui produiraient le meilleur vin. En 1395, Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, ordonna l'arrachage du Gamay et imposa un cépage unique, le Pinot Noir. Puis, profitant des réseaux commerciaux des moines cisterciens, le bourgogne se vend dans le Nord de l'Europe, en Ile de France, à la Cour Royale où son rival est le ... champagne, un vin rouge léger, fruité issu de Pinot Noir. Mais le bourgogne, toujours par la voie catholique, est également le vin des cardinaux et du pape. Lors des guerres de religion, les vignerons se rangeront aux côtés des catholiques, évidemment. Le bordeaux, lui, commence à émerger au 12è siècle. Aliénor d'Aquitaine, séparée de Louis VII, se recase avec Henri II, futur roi d'Angleterre. De cette relation, les bordelais tirent un privilège exorbitant: ils obtiennent que les vins de l'arrière-pays n'aient plus accès au port de Bordeaux. Dès lors, leurs vins, eux, vont conquérir le marché des îles Britanniques et du Nord de l'Europe par bateaux. Au départ, les vignes ne poussaient que sur la colline de Saint-Emilion. Mais devant le succès, on commence à planter dans les Graves, les terres pauvres, puis on monte sur le Médoc, au nord. Le privilège acquis grâce à Aliénor perdurera jusqu'à la Révolution Française. Pendant ces cinq siècles, des fortunes vont se bâtir, les aristocrates gascons achètent de vastes terres qu'ils transforment en domaines.
Pas envie non plus, d'opter pour la sensualité de la bouteille bourguignonne ventrue et de son verre bedonnant, face à l'austérité de la bordelaise si sobre et de son verre droit, resserré au col. Non, tout ça ne me fera pas changer d'avis, j'aime les bons vins, des zones géographiques opposées. Lorsque j'en déguste un, je suis très attachée à ce que je peux lire sur l'étiquette car c'est quand même là que toute l'histoire commence.
Je n'achèverai pas ce billet sans vous dire que j'aime toutes les couleurs blanc, rouge, rosé. Oui, j'ai un faible pour le Chablis et une admiration pour la Rolls du rosé, le domaine d'Ott. J'ai une préférence pour le Pommard ou le Saint Estèphe mais je commence à apprécier sérieusement les vins de l'Hérault. Je suis très heureuse et soulagée que l'Europe ait dit non au rosé coupé, rien ne vaut l'original, sinon il pourrait arriver ça. Eh oui, même le grand James s'est fait avoir...
Bond, victime du rosé cuvée bullocrate de Bruxelles
Mais mon grand bonheur, est de compter parmi mes très très proches, un fin connaisseur, amateur et grand propriétaire de très belles bouteilles, alsacien qui m'a fait tomber en amour des grands crûs de sa région. Mais ceci fera l'objet de mon second billet, car si je vous ai mis "l'eau à la bouche", il faut savoir apprécier les bonnes choses avec modération...